Terrain, où t’est?
Certes, le tube de Stromae est un peu passé de mode, mais la raréfaction des terrains constructibles reste lui d’une brûlante actualité sous nos latitudes, et pour cause !
Certes, le tube de Stromae est un peu passé de mode, mais la raréfaction des terrains constructibles reste lui d’une brûlante actualité sous nos latitudes, et pour cause !
Souvenez-vous que le 3 mars 2013, nous approuvions par référendum une modification de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire (LAT) visant à «freiner le mitage du territoire», «endiguer le gaspillage du sol» et «garantir le développement de l’urbanisation plus compact» vers l’intérieur du bâti pour préserver le paysage. Ces slogans de campagne sont aujourd’hui concrétisés par cette machine de guerre qui pose les nouveaux paradigmes de l’urbanisation.
La mise en œuvre du nouveau droit de la planification territoriale hérité de la modification «LAT 1» entrée en vigueur le 1er mai 2014 se fait plutôt dans la douleur. Les communes vaudoises avaient en effet tendance à accorder assez généreusement des terres constructibles aux propriétaires. Stop ! a dit le législateur fédéral. Il y a maintenant trop de zones à bâtir ; il faut rationaliser l’ensemble en concentrant les constructions et en libérant les campagnes.
Le travail a commencé il y a déjà quelques années. Le canton de Vaud a réformé la première partie de sa loi sur l’aménagement du territoire concernant la planification et le Conseil fédéral a validé le nouveau plan directeur cantonal. Ces instruments mettent en place les objectifs de l’urbanisation des prochaines décennies. Dans leur sillage, des calculs savants prennent en compte le potentiel d’augmentation de la population de chaque commune en tenant compte de leur centralité. Puis tombe le couperet : la zone constructible qui excède les besoins de la croissance de la population doit être réduite. Aux communes de jouer pour éliminer ce «surdimensionnement». Il faut alors désigner les terrains candidats au déclassement, soit ceux qui perdront leur constructibilité et qui seront mis en zone agricole, inconstructible.
Les communes doivent aussi veiller à densifier les centres. C’est dans le bâti existant qu’il faut privilégier le futur développement urbain afin d’utiliser le potentiel constructible de manière optimale pour qu’il réponde en premier lieu à l’augmentation de population envisagée pour les quinze ans à venir. Il faut concentrer l’habitat au centre et y privilégier l’habitation collective, aboutissant à un tissu urbain plus compact.
Aussitôt qu’apparaît l’idée de déclasser les terrains potentiellement en surplus, les autorités peuvent refuser tout nouveau projet de construction qui ne s’inscrit pas dans la nouvelle politique d’urbanisation. Puis vient l’instauration de «zones réservées» qui cristallisent l’interdiction de construire jusqu’à l’entrée en vigueur du nouveau plan d’affectation. Le processus est long, tant il est vrai que de nombreuses voies de recours existent en plus de la maturation de ces projets de planification très complexes, aux niveaux technique et politique.
Comme l’on peut l’imaginer, ce processus entraîne une raréfaction des terrains constructibles qui devrait surtout toucher la périphérie, mais également une valorisation des terrains bien situés au centre des agglomérations. Pour équilibrer un peu le jeu, la loi a prévu un mécanisme de compensation. Ainsi, les propriétaires pouvant densifier leur parcelle (en principe au centre) devront s’acquitter d’une taxe de 20 % sur la plus-value de leur terrain. Le fonds ainsi constitué doit servir à indemniser ceux qui, au contraire, possèdent un terrain constructible qui se retrouve déclassé. Mais ne nous leurrons pas : rares seront les propriétaires à percevoir une indemnité, car le Tribunal fédéral considère en substance qu’un terrain voué à être déclassé ne donne pas droit à une indemnité. Autrement dit seuls les terrains constructibles devant véritablement le rester dans le futur malgré le nouveau droit pourront donner lieu à une indemnisation s’ils sont déclassés, et cela pour autant que la restriction au droit de propriété atteigne en outre une certaine gravité.
Article publié dans Bulletin du Cercle démocratique No 2 • mai 2023, p. 30